Parce que tes dents ne sont jamais assez près de mon poing

Hier, quand je suis entrée au bureau, je n'avais qu'une idée en tête: Sortir des chiffres, des rapports, des preuves.

Des preuves que mon père avait tort, des preuves que la business n'allait pas si mal qui le laissait entendre. La preuve que s'il me congédiait, c'était encore pour des raisons qui se tenaient pas trop debout. Parce que c'est toujours plus facile de tasser Chiffon qui ne dira rien que de tasser autre chose.

Bref, plusieurs calculs et plusieurs rapports plus tard. Je constate qu'au global nos ventes sont de 30000$ de plus que l'an dernier. Bien sûr forces m'en est de constater que nous n'avions pas travaillé en octobre de la première année car nous n'étions pas en fonction. Par contre, le profit est toujours au beau fixe, et si j'en crois les chiffres, nous tirons de l'arrière par ... environ 600$ de moins ... par mois.

PAR MOIS !
Et ce n'est pas des pertes de 600$, non, ce sont 600$ de moins sur les profits ... profits que je dois le rappeler font normalement, dans les 4 à 5 chiffres par mois (avant le point)

Oui, oui, vous avez bien lu.

Trouvez-moi une compagnie, une micro PME de surcroit, qui fait encore des profits en ce temps de vaches maigres?

Et il se plaint, il trouve le moyen de se plaindre.

Mais bon, quand je lui ai mis les 5e ou 6e rapports dans la face, ce qu'il a trouvé à dire c'est: "Ah bien coudon, c'est peut-être moi qui voit mal ça"

Oui en effet papa, c'est toi qui voit mal ça ... Tu vois toujours mal ça.

Ensuite, quelques minutes après, alors que mon coeur battait toujours la chamade, il est  venu me voir.

- Tu es tu bien pognée toi demain?

Phrase que je déteste. C'est toujours pour annoncer une sortie avec ma mère, qui ne fite pas du tout dans mon horaire et pour laquelle je dois remuer ciel et terre pour plaire à madame ou à monsieur.

- Un peu pourquoi?

- Bien là si je suis bien pogné, pourrais-tu aller avec ta mère chez le dentiste?

- C'est à quelle heure?

- 1h30.

- J'ai un rendez-vous chez le psy l'après-midi.

Normalement ça devrait s'arrêter là. Tu as un rendez-vous aussi, ça va être serré, on comprend ça merci.
Mais non, ça n'arrête pas là.

- Il est à quel heure ton rendez-vous?

- 4 heures

- Ah tu as le temps en masse!

Minute! Attends là, c'est toi qui me demande un service et en prime c'est toi qui décide si j'ai le temps ou non?

Réflex, mauvais sans doute, je lui demande:

- C'est combien de temps son rendez-vous?

- Pfah, 30 minutes max, elle est sortie.

Ce que je vous ne voyez pas, c'est le ton. Le ton de "Franchement, tu ne peux vraiment pas me refuser ça".

- Bien regardes, poursuit-il, je vais t'appeler sur l'heure du midi pour te dire si j'ai beaucoup de travail ou pas.

No way ! No fucking way!

C'est pas vrai que je vais faire le pied de grue en attendant que monsieur ou madame daigne me dire si je suis réquisitionnée ou pas.

- Regardes, je vais y aller.

- Pis si je suis pas pogné?

- Bien tu joueras au solitaire! J'ai pas envie de me faire scrapper mon horaire à la dernière minute comme d'habitude.

Oui parce que moi, mes problèmes de santé, le fait qu'il faut que je mange à heures plutôt fixes, sans stress ... ça on s'en balance, faut que mère très chère ait tout ce qu'elle veut.

Donc, par réflexe encore, avec le temps on prend des trucs... J'ai contacté ma mère. Tsé des fois que les trentes minutes deviendrait des heures et que les heures des jours ...

- Ton rendez-vous demain, ils te font quoi?
- Bien là je sais pas ...

(ajoutez ici le putain de ton mielleux de la fille qui trippe donc parce qu'elle sent tellement qu'elle te contrôle...)

- Bien là, papa vient de me dire une dent, trente minutes.
- Je sais pas ... - insérez ici une explication exhaustive de son dossier dentaire -
- Faque là si je comprends bien maman, papa sait plus que toi ce qu'ils vont te faire.
- Bien là, je le sais tu moi, je suis pas dentiste!

On aime surtout le ton ... Toujours le ton.
Le ton qui te fait faire des phantasmes de voiture écrasée dans un viaduc, de stationnement sur une voie ferrée ... de bien belles choses.

- Regardes, je veux savoir combien de temps ça va durer.
- Pourquoi tu veux savoir ça?

Bien oui, parce qu'en plus, c'est pas légitime de savoir combien de ma journée de congé je vais scrapper sur le cas.

- Parce que j'ai un rendez-vous chez le psy.
- Depuis quand tu as des rendez-vous chez le psy le jeudi?
- Depuis là ...
- Ouin, je te dis que je vais reprendre mes licences en criss...

ahhh enfin, on l'entendait, le chantage émotif avait pas encore commencer.

- Je te dis que ça adonne bien mal hein? (sur un ton de hey me faire ça à moi, ta mère) Depuis quand tu as des rendez-vous chez le psy le jeudi tsé, tu m'as dit que tu avais pas de rendez-vous cette semaine.
- Quoi, va-t-il falloir que je vous demande votre avis maintenant quand je prends des rendez-vous?
- (offusquée) Bien là c'est quoi ton problème?
- Moi aucun, c'est plus toi avec ton inquisition.
- Tu m'a dit que tu n'avais pas de rendez-vous cette semaine.
- Je t'ai jamais dit ça.
- Oui hier je t'ai demandé si tu avais un rendez-vous.
- Oui en effet hier tu m'as juste demandé si j'avais un rendez-vous, et puisqu'on était mercredi je t'ai dit que non.
- Non non, je t'ai demandé si tu avais vu ton psy cette semaine.
- Oui en effet, tu m'as demandé si j'avais vu mon psy cette semaine. Je le vois jeudi, faque je t'ai dit non.
- Regardes, c'est pas ça le point là. Combien de temps?
- 2h30 max je suis sortie.
- J'espère parce que si j'arrive en retard chez mon psy c'est 80$ dans le beurre.
- Pff comment ça encore?
(tsé toujours sur le ton de "tu es tellement entrain de nous emplir)
- Parce que c'est comme ça. Si j'arrive pas elle peut partir et charger. Juste normal.

Est-ce que c'est normal que j'en ai marre?


Une autre petite anecdote croustillante pour la route.
Depuis que nous sommes revenus de Bulgarie, certaines personnes nous appellent pour avoir de l'info sur l'opération. C'est correct, normal et je dirais même souhaitable.

Évidemment, ma mère se faire un plaisir absolu de me dumper ça dans ma cours.

Souvent par contre, les dames veulent rencontrer ma mère. Chose que je trouve aussi tout à fait normal.

Chaque fois, ma mère rechigne.

"J'ai pas juste ça à faire"

Chose que je trouve purement égoiste. Elle faisait partie de ses gens. Elle devrait être contente de leur amener un peu d'espoir. Mais non, elle va mieux, on s'en fout donc des autres.

Hier encore, mon père y va d'une édifiante phrase.

"Là j'ai dit à ta mère que si les madames veulent toutes la voir, je vais mettre un frein à ça"

- Ah bon, et pourquoi donc papa?
- Bien là, on a pas rien que ça à faire. On est pas une fondation! On va demander une ristourne à la Bulgarie si ça continue de même.
- C'est drôle ça ... d'un côté tu me dis d'aider ses madames-là, de passer du temps à le faire, de refuser toutes compensations monétaires de leur part, chose que bien sûr, je n'avais pas besoin de toi pour penser, et de l'autre, vous ne voulez pas lever le petit doigt.
- Bien là, si elles ne nous croient pas sur parole.

Tu as rien compris papa, comme d'habitude, tu as tellement rien compris.
Ces femmes-là ont besoin de voir, de croire, d'espérer ... de se faire rassurer. Elles n'ont pas toutes, comme toi tu as eu, une fille qui se tapent toute la job, en pleurant dans un coin, parce que le poids émotifs est trop grand. Elles doivent le faire seules.

Toi tu vois rien ... comme d'hab ....


Édifiant!