samedi 1 janvier 2011

Le grand jeu

J'avais prévu le paquet; coiffure rockabilly, robe cintrée, noire, bien sûr ça amincit, chaussure à talons, cuir verni, bas de résille ...

Je m'étais rendue chez la coiffeuse dans l'après-midi, celle-ci ne tarissait pas d'éloge, j'étais tellement belle. J'étais arrivée à la maison, avait enfilé ma robe qui en deux semaines étaient déjà devenue serrée. J'ai fait des crises de colon irritable dernièrement rendant mon ventre comme une énorme panse flasque.

J'enfilai le premier bas, trop serré ... Il ne tient pas en fait, en essayant de l'enfiler dans mon mollet, gros comme une courge, j'en avais déjà trop étiré les mailles. Je le tirai au maximum tentant de recouvrir mes genoux hideux contenant encore les petits cailloux étant toujours là après de multiples "plonges" durant mon enfance.

J'enfilai la robe, avec un peu de chance, elle arriverait en bas des bas que j'avais acheté, les collants n'étant plus une option car je ne trouve jamais à ma taille ... du moins pas au prix que je peux payer et sans aller dans les rares boutiques spécialisées que je ne sais même pas si nous en avons dans notre ville. Bref, j'enfilai le tout et filai au sous-sol devant le grand miroir que nous avons.

Il fallait que je sois belle, il fallait que je le sois, pour qui? Pourquoi?

Ridicule, j'avais l'air ridicule. Détrompez-vous, les deux "tuyaux" années 40 que j'avais sur la tête m'allaient ce n'était pas le problème. C'était tout le reste. J'avais l'air d'une grosse, d'une grosse qui essaye d'être bien vêtue. Bref, j'avais l'air de moi.

Les yeux me piquaient déjà, pas question que je pleure. Je ne suis pas comme cela. je ne pleure pas, pas pour cela. Je vis que l'attache de ma chaussure était défait alors je me penchai pour la renouer. Pop, un bouton de ma robe se déboutonna.

Je trouvai une épingle et trouva un moyen d'attacher la robe pour ne pas qu'elle semble exploser à chacun de mes mouvements. Il fallait que j'ai cette robe. Il fallait qu'ils me voient.

J'enlevai les fameux bas horribles et les remplaçaient par un legging mi-mollet, comme les grosses font. Ça continuait à respecter le style.

Ils sont arrivés, tous les deux. Elle, ma mère, s'est permis un "oh ... C'est moins pire que je pensais". Moi pire que tu pensais? C'est toi maman, toi maman qui m'a demandé de "m'habiller en fille pour une fois" toi maman qui me passe toujours le commentaire "on sait bien, tu es toujours en jeans". Désolée maman, je n'ai pas la chance que tu as de porter du 8 ans, d'avoir des seins normaux et ne pas avoir cette connerie de panse large et flasque qui nous fait penser à un ballon de basket dégonflé. Non maman, je ne suis pas comme toi.

Et lui, entrait les paquets tête baissé, évitant mon regard, semblant se dire, "avec un peu de chance je n'aurai pas à lui passer de commentaire".

Pour qui? Pour quoi? Pour eux ... pour qu'ils me voient, enfin.

Ils ne m'ont pas vu, enfin ils ont vu, comme d'habitude, celle qui ne veulent pas voir, celle qui voudrait tellement être autrement. Une fille grosse, un peu moche, avec des cheveux étranges et frisés, avec une ridicule touche de couleur, avec un robe difforme.

Puis, tu es arrivé, Petit Ours Brun. Tu m'as pas vu non plus. Enfin je crois pas, mais bon que tu ne me vois pas toi, je m'en fiche.

Tu es arrivé, et ils t'ont vu. Ils t'ont entendu. Quel miracle de la nature tu es. Tu es comme Mari, beau, gentil, poli, serviable, fort, simple. Tu as tellement de conversation. Tu es un homme, un vrai. Tu parles de hockey. Tu joues aux cartes et tu aimes ça. Tu manges de la viande, tu n'as pas peur de tuer un animal, tu es un tough! Tu es pas une guénille, tu es pas un chiffon ... 3 heures, même pas, c'est tout le temps que ça t'a pris pour obtenir le statut d'intouchable comme mari.  Mon père t'adore. Si je n'étais pas marié à Mari, je pense qu'il monterait illico dans ta ville natale, voir ta mère et organisé un mariage arrangé !!

Félicitations, ça fait 31 ans que j'essaie, je n'ai jamais réussi. Je ne réussirai jamais. Je suis trop volubile, je ne parle pas de hockey, je n'aime pas les cartes. J'ai trop de caractère. Je suis trop flamboyante. Je ne suis pas comme ils le voudraient.

J'avais mis tant d'espoir dans ce nouvel an. Pour la première fois de ma vie depuis 13 ans, je pourrai le passer avec des gens qui ne me pourrissaient pas la vie. Du moins ... moins que mes beaux-parents.

Qu'est-ce que tu veux chiffon?

Je le sais ce que je veux. Je veux juste être enfin accepter comme je suis aux yeux des gens ... que j'ai longtemps cru qui m'aimaient ...

C'est beaucoup trop demandé semble-t-il.

Présentement, ils mangent. Je suis ici et j'écris, je retiens mes larmes, car je ne pleure pas, pas pour cela.

Je ne mange pas. Je ne mangerai plus, le moins possible. Des fois que je deviendrais invisible. Comme ça je saurai enfin pourquoi ils ne me voient plus.

Quand je suis allée me coucher, je me suis posée la question. Mais qu'est-ce que tu veux Chiffon à la fin? C'est quoi ton problème? Qu'est-ce qui manque encore à ton bonheur.

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